mercredi 11 septembre 2013

"Evasion fiscale, le hold-up du siècle", vraiment ?

Hier, Arte a diffusé un grand moment de partialité assumée. Lisez le pitch de l'émission :

"Imaginez un monde dans lequel vous pourriez choisir de payer ou non des impôts tout en continuant de bénéficier de services publics de qualité (santé, éducation, sécurité, transport…) payés par les autres. Ce monde existe : c’est le nôtre, c'est celui des paradis fiscaux"

Forcément, on a du mal, vu sous cet angle, à dire autre chose que du mal, de l'évasion fiscale. 

Pourtant, les choses ne sont pas si simples. Partons du point de vue français, qui explique donc que l'évasion fiscale des multinationales prive les français d'argent pour payer des services publics de qualité. Mais de quels services publics parle t-on ? 
De la SNCF ? De la RATP ? d'EDF ? De la Poste ? De la Sécurité Sociale et du système de santé ? De l'Education Nationale ? De la police ? De la justice ? Du service public de l'audiovisuel ? 

  • En janvier dernier, les clients EDF de Neuilly, Courbevoie et Levallois ont subi une coupure de courant massive (1). Quelle explication a fourni EDF ? Aucune à ce jour. Pourtant, expliquer, c'est gratuit. 
  • En permanence, les clients des lignes B, C et D du RER subissent des retards et annulations de train (2). Quelle explication fournie par la SNCF ? Aucune. Pourtant, expliquer, c'est gratuit. 
  • Depuis des années, le taux d'acheminement par la Poste du courrier en J+1 est en chute libre (3). Quelle explication fournie par la Poste ? 
  • Chaque salarié se voit amputé de 50% de son salaire (en charges sociales dites "patronales" pour financer la santé ou la vieillesse (4) mais malgré cela,  entre 15% et 30% des français ne peuvent pas se soigner (5). 
  • Tous les ans, l'Education Nationale produit 100 000 jeunes sans aucune qualification ni savoir. Par contre, 50% des étudiants qui rentrent à Polytechnique ont un parent enseignant. 
  • 16% du temps de travail de la police est consacré à la lutte contre la drogue, pourtant la consommation n'a jamais été aussi importante et surtout, les dommages collatéraux pour la population (délinquance) sont au maximum. 

Est-ce qu'on pourrait se dire que ces résultats catastrophiques (prisons surpeuplées, Education Nationale inefficace, approvisionnement énergétique en risque) sont dus à un manque de ressource de l'Etat ? 

Même pas !

D'une part, évasion fiscale ou pas, depuis 30 ans, et malgré les déficits, les ressources publiques ont progressé, tous les ans ! Tous les ans, l'Etat parvient à dépenser toujours plus, en valeur absolue. Autrement dit, il y a toujours plus d'argent qui est collecté pour servir à payer les services publics.  

On voit donc qu'il est mensonger de dire que les services publics français sont de qualité. Ils sont chers, et d'un rapport qualité prix désastreux. Nous payons, cher, par exemple plus cher l'Education Nationale Française que nos voisins allemands la leur (alors qu'ils éduquent plus d'élèves) pour des résultats moindres. 


La question; c'est celle de l'efficacité de la dépense publique. Or, le contribuable n'a aucune prise sur la dépense publique car elle est en pilotage automatique, et non pas discutée par le parlement, sur le fond. 

De toutes façons, nous n'avons pas le choix d'adhérer ou non au système. Prenez les aventures de je quitte la secu pour comprendre. 

En outre, dénoncer l'évasion fiscale, c'est bien mais encore faut-il prendre les bons exemples. Celui du pétrolier Total est très mauvais, pour les raisons suivantes : 


  • Total n'est pas une entreprise française, c'est une entreprise au minimum franco-belge (Total + Elf + Fina), avec 10% de ses salariés effectivement en France, et avec 99% de ses produits qui viennent hors de France. Il est sain que Total paie des taxes en Angola et non pas en France. Le pétrole que nous brûlons sur nos routes, ce sont des ouvriers Angolais ou Gabonais qui l'ont extrait, pas nous. Total n'est pas une entreprise de France, Total est une entreprise en France. 
  • La niche fiscale dont profite Total et quelques rares autres entreprises du CAC 40 a explicitement été décidée par la France dans les années 60, pour "favoriser le développement à l'international d'un champion national" puis reconduite par tous les gouvernements, de gauche comme de droite. Autrement dit, c'est la collusion entre les Etats et, non pas les entrepreneurs mais les grandes entreprises ("corpocratie") qui crée parfois des problèmes. 

Qui plus est, que la France, par le biais de ses élites politico-médiatiques (de gauche comme de droite), dénonce le principe même d'optimisation fiscale est une plaisanterie, qui revient à dire que parmi tous les états souverains, il y en a certains plus égaux que d'autres : ceux qui ont des bombes atomiques (France, Etats-Unis) et les autres (Suisse, Luxembourg, Jersey). De quel droit irions-nous les français dire aux cantons Suisses quel doit être leur taux d’impôt sur les bénéfices des sociétés ? 

Si les Etats sont étranglés, ce n'est pas à cause de leurs dépenses irresponsables à crédit mais à cause de l'optimisation fiscale selon les auteurs du reportage d'Arte, fortement orienté (ils ne font appel qu'aux économistes très marqués à gauche, limite anticapitalistes). Jamais dans ce reportage ils ne se sont demandés si les acteurs économiques refusent de se faire extorquer fiscalement, c'est peut-être parce qu'ils investissent, créent de la richesse et de vrais emplois. La France devrait plutôt s'inspirer du modèle suisse : peu de corruption, pas de chômage, une industrie forte et une balance commerciale excédentaire, même avec la Chine. Moins d'impôts, c'est beaucoup, beaucoup plus de richesse.

Alors, comment lutter contre l'évasion fiscale ? 

  • Déjà, en cessant le vrai hold up, celui du fisc. Il n'y a qu'une seule sorte d'organisme qui a le droit de fouiller dans les comptes en banque des gens ou d'envoyer la police, c'est le fisc, pas les entreprises. 
  • Ensuite, en simplifiant la fiscalité, en supprimant les exonérations/niches/exceptions, exemple en créant une flat tax unique applicable à tous les revenus, quelque soit leur origine. 
  • Il convient également de baisser la dépense publique au minimum (en ne la réservant qu'au financement des fonctions régaliennes de l'Etat, police/justice/armée/diplomatie).
  • Enfin, il faut cesser de contraindre les contribuables mais au contraire de les amener à être fiers de payer des impôts  de manière volontaire. 
  • Il convient aussi de respecter la liberté des acteurs, que ce soit les entreprises ou les particuliers, car la contrepartie d'une politique de lutte contre l'évasion fiscale, est la construction de nouveaux Murs de Berlin. Est-ce que nous voulons ? 

Les entreprises ont raison de faire de l'optimisation fiscale, c'est à la fois du bon sens et une condition de survie dans un monde où le léviathan étatique nous menace tous. 

(1) France 3 Paris Ile de France 13 Janvier 2013
(2) Voir par exemple le blog ma ligne C - Transilien


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2 commentaires:

  1. En immobilier, la fiscalité a connu un grand changement en début septembre. Changements qui sont à priori instaurer pour relancer le secteur en régression. Le hic, c'est qu'il choisi strictement ses cibles.

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  2. Quel est le lien entre qualité de service chez EDF et évasion fiscale? Votre introduction n'est pas plus brillante que l'exemple de Total dans le reportage d'Arte.
    La qualité des services publiques peut être très largement améliorée ainsi que la gestion des dépenses de l'état mais c'est un autre sujet.
    Votre paragraphe sur la Suisse est très douteux. Si des partenaires commerciaux ne jouent pas avec les mêmes règles (sociales, fiscales) il est tout à fait légitime de vouloir établir des protections.
    Vous soulevez de bon points, c'est dommages de les cacher par des phrases toutes faites et non étayées.
    Un article sur l'utilisation de l'argent évadée serait intéressant, parce qu'il ne disparait pas non plus. Esperons le?

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