Tout d'abord, avouons notre admiration (sincère) envers la très belle aventure entrepreneuriale qu'est
Mediapart. Ce média en ligne a été crée il y a plusieurs années déjà, avec des journalistes expérimentés (comme Edwy Plénel, Laurent Mauduit, Martine Orange ou
l'excellent Philippe Ries (1)), qui se sont lancés dans la création d'une entreprise originale, un journal 100% en ligne et qui plus est payant (à la différence de
Contrepoints et
Atlantico, qui eux sont gratuits).
Depuis, Mediapart et ses journalistes se sont caractérisés par des très bonnes enquêtes, sur les affaires Takkiedine ou Cahuzac par exemple.
Au sujet de cette dernière affaire, souvenez-vous, par exemple, de arrogance d'une journaliste de France Inter, Pascale Clark, qui interrogeait avec mépris Edwy Plenel, il y a un an, sur les preuves dans l'affaire Cahuzac.
Aujourd'hui, Mediapart est, comme beaucoup d'autres entreprises, victime d'un contrôle fiscal. On sait que, outre les entrepreneurs individuels qui sont traditionnellement harcelés par le fisc (avec de nombreux cas de suicide jamais médiatisés (2)), Bercy a lancé une vague de contrôles cette année, portant notamment sur l'usage du crédit impôt recherche (3). Pourquoi ? Par méchanceté et par hargne des gens de Bercy ? Peut-être du coté de quelques syndicalistes fous et partisans, mais ce n'est pas la vraie explication. La vérité c'est que comme la France dépense 1,25 euro d'argent public quand elle collecte 1 euro de taxes et impôts, alors l'Etat est à la recherche, par tous les moyens, de chaque euro à récupérer.
Le problème spécifique de Médiapart est lié à la TVA. Mediapart applique un taux de TVA de 2.1%, comme les journaux qui ont un taux de TVA dit super réduit, alors qu'ils devraient, selon la loi française, appliquer un taux de TVA de 19.6% (bientôt 20% alors que le PS avait fait campagne sur la non-hausse de la TVA ... mais c'est une autre histoire). Ce débat sur la TVA, il avait déjà été soulevé par Enquête & Débat, un autre média en ligne.
Edwy Plénel avait opposé le droit à la loi (4).
Edwy Plenel estime que Médiapart ne fraude pas... par enquete-debat
Aujourd'hui, Edwy Plénel communique sur ce débat.
L'interview d'Edwy Plénel est intéressante mais elle contient des éléments contestables. Le directeur de Mediapart nous dit "La presse n'est pas une marchandise comme les autres, parce qu'elle est au service du public". Evidemment, c'est exagéré. Déjà, la presse n'est pas la seule à se considérer comme un produit "pas comme les autres". Il y a aussi les médicaments, les produits agricoles, les livres, l'eau, les trains, l'éducation, etc, si on en croit certains, qui sont des produits pas comme les autres, à se demander ce qu'est un produit comme les autres. Mais, n'en déplaisent aux journalistes de Mediapart, même s'ils influent sur le débat public, ils doivent quand même leur rémunération à l'argent de leurs actionnaires et à la confiance de leurs clients. La presse est bien un produit comme les autres.
Mediapart se considère comme le concurrent des journaux papier. C'est évidemment faux. Ce n'est pas dans ces canards boiteux que sont les journaux papiers qu'on a une chance de trouver des enquêtes un peu fouillées, sur Cahuzac notamment. Les lecteurs de Mediapart sont prêts à payer pour de la valeur ajoutée.
Mediapart mentionne le fait qu'au Royaume Uni, la TVA est à 0% sur les journaux en ligne. Ils mentionnent aussi le fait que l'Etat est hors la loi depuis 2011 car il n'applique pas une directive européenne qui devrait forcer la France à aligner la TVA applicable à la presse en ligne et à la presse papier.
C'est là où les affirmations républicaines de Mediapart ("nous sommes prêts à payer nos impots") trouvent leur limite.
En France, nous sommes censés appliquer et respecter les lois même si elles sont stupides ou injustes. Combien d'automobilistes sont forcés à rouler à 50km/h sur des quasi autoroutes, par exemple ? Et combien de directives européennes ne sont pas traduites en droit français ?
Oui, il faut soutenir Mediapart, mais il faudrait qu'Edwy Plenel soutienne aussi les milieux libéraux qui, non seulement veulent moins d’impôts, moins et mieux d'Etat, mais aussi que la France s'inscrive enfin dans un cadre européen et fédéral.
Exemple concret la directive Européenne qui abolit le monopole de la Sécurité Sociale (5): C'est en application de la directive 92/49/CEE qu’en Allemagne les caisses publiques d’assurance-maladie sont en concurrence depuis janvier 1996.
Cette directive, importante, aucun journal n'en parle, et elle fait même l'objet d'une censure toute renforcée, récente (lire Je quitte la secu (6)). Or, si Mediapart réclame l'application d'une directive européenne, il devrait réclamer l'application de toutes les directives européennes, par cohérence de la hiérarchie des normes.
De manière plus globale encore, Mediapart devrait soutenir la réduction du rôle de l'Etat, préalable indispensable à la baisse des impôts et dont l'absence justifie de la part du fisc toutes les dérives, y compris l'illégalité (7) ou le recours à un arsenal liberticide (8) (article 13 de la LPM qui fera des agents de Bercy des gens mieux armés que ceux de la NSA).
La TVA à 19.6%, elle sert à faire fonctionner tous ces servics publics dont l'utilité voire la légitimité est contestable.
Avons-nous besoin d'un Etat qui prélève une redevance TV pour faire fonctionner France Inter (Pascale Clark ...) ou France 2 (Sophia Aram ...) ? ou bien de liberté de choix et d'abonnements librement consentis à Mediapart ou de dons librement décidés à d'autres pure players comme Contrepoints ?
Avons-nous besoin d'un Etat qui prélève des milliards pour se montrer incapable de faire fonctionner une éducation nationale à la dérive ou bien ne vaudrait-il pas mieux que les parents s'organisent librement dans des communautés éducatives de quartier ?
Mediapart, comme une partie non négligeable de la gauche, est (éditorialement parlant) dans un entre-deux idéologique peu confortable. En effet, il est malaisé de défendre des idéaux qualifiables d'interventionnisme tout en demandant plus de libertés. La gauche peut et doit redevenir libérale. Il n'y a aucun caractère de science fiction dans cela, c'est la mission que s'est donnée la
gauche liberale (9).
Alors, à quand une distribution de Bonnets Rouges chez Mediapart ?