vendredi 3 février 2012

L'Allemagne n'existe pas, la Bundesrepublik Deutschland si

Pour celles et ceux qui ont regardé dpda hier soir, avec Martine Fillon et François Aubry, si vous n'avez rien compris, c'est normal. Vous pouvez retrouver le fil de discussion sur twitter ou sur francetv.fr. Vous avez à gauche une technocrate, énarque parachutée, qui parlait d'un pays imaginaire, l'Allemagne, et à droite, un juriste en droit public bientôt parachuté, qui parlait du même pays imaginaire, l'Allemagne, pour comparer avec un pays bien réel, la France.

Quand est ce que les hommes et femmes politiques vont cesser de raconter n'importe quoi au sujet de cette Allemagne ? Notez le paradoxe. Les élites françaises ont toutes, pour des raisons scolaires, étudié l'allemand pendant de longues années. Pourtant, elles sont incapables ne serait-ce que de consulter la presse allemande.

Des exemples ? Le mythe (socialiste) de la finance allemande qui serait au service, plus que chez nous, de l'économie allemande (comprendre : les usines allemandes, car, comme chacun le sait, les services, ça n'est pas de l'économie, n'est ce pas, Mark Zuckerberg). Martine Fillon et François Aubry ignorent que le siège opérationnel de la Deutsche Bank est au 50 de la Leadenhall Street, Monument, London, EC3V 4RJ, United Kingdom, et certainement pas Taunusanlage 12 Frankfurt am Main, et que ce choix est assumé par son PDG, un Suisse. Imaginez les hurlements si un belge ou un luxembourgeois présidait BNP Paribas et choisissait Londres comme base opérationnelle. D'ailleurs, des belges ont tenté de présider des banques françaises. On les a vite dégagé. En réalité, les entreprises allemandes se financent d'abord par fonds propres et non pas par de la dette, d'une part, et d'autre part, les banques d'investissement allemandes sont comme les autres banques : elles ont des traders, souvent prudents, parfois fous, des bénéfices ou des pertes, et des catastrophes quand elles sont publiques (voir le sujet des Landesbanken).

Deuxième exemple : la politique économique allemande serait efficace pour créer des PME exportatrices. Un allemand sourirait s'il lisait ça. Il n'y a pas de PME allemandes. Il y a des PME bavaroises (beaucoup), rhénanes, hambourgeoises ou berlinoises (un peu moins). Est ce une simple coquetterie de langage ? Non. Est ce que nos hommes politiques français, ultra jacobins et ultra étatistes, laisseraient les Lander rédiger chacun dans leur coin les programmes scolaires, les manuels d'économie au lycée par exemple ? En France, ça serait une hérésie. C'est la réalité quotidienne en Allemagne. Chaque Land gère ses programmes et son économie. Il n'y a pas d'Etat fédéral chargé de niveler de manière centralisée comme on le ferait chez nous. Et pour les PME ou les plus grandes entreprises, qu'on ne s'y trompe pas. Audi, BMW, Porsche et Mercedes sont situées dans un rayon de 200km, et pas à Berlin ou à Frankfurt. Est ce qu'on serait prêt, en France, à accepter que Lille ou Lyon vivent leur destin sans avoir de comptes à rendre à Bercy ?

Des exemples de la sorte, il y en a des tas. On imagine pas, en Allemagne, que le fils du président de la République soit rapatrié d'Ukraine en jet privé officiel aux frais du contribuables. On imagine pas que les services de l'Etat se mobilisent pour sauver une centaine d'ouvrière spécialistes du soutien gorge. On imagine pas que la vitesse sur autoroute soit de 130 max quelque soit la section et le moment. On imagine pas que des ministres soit disant libéraux (Chatel, Longuet) soutiennent du socialisme de droite, à la différence du FDP qui a su imposer des baisses d’impôts sur le revenu.

Puisque nous n'imaginons pas tout cela, cessons d'invoquer ce pays imaginaire qu'est l'Allemagne. Inspirons nous plutôt de la République Fédérale Allemande.

5 commentaires:

  1. Excellent post bravo !

    Juste un bémol, cette saloperie de Loi Hartz IV qui place l'Allemagne en plein dans l'ensemble des pays esclavagistes.

    Ce qui n'est pas rien.

    Qui fait du tort au plus petit des hommes fait du tort à tous les hommes.

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  2. Sans compter que ce genre de régression tend, comme toujours, à frapper en priorité les femmes : http://www.ofce.sciences-po.fr/blog/?p=1240

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  3. Merci de cette précision et du compliment, Stephane Laborde. Et en effet, le "miracle" allemand a pour "revers" (mais en est ce un ?) une extrème flexibilité, bien plus importante que celle imposée par les 35 heures.

    @Monolecte : oui, peut etre, mais les allemandes sont assez grandes pour se defendre, donc peut etre que si elles ont accepté, c'est qu'elles y ont vu plus d'avantage que d'inconvénients ?

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  4. -- "en effet, le "miracle" allemand a pour "revers" (mais en est ce un ?)" une extrème flexibilité ... --

    Je ne pense pas qu'on puisse qualifier de "revers" la négation de la liberté et de la souveraineté individuelle.

    Forcer autrui n'est pas de l'ordre de la liberté. Il ne s'agit pas d'un revers mais d'esclavage assumé.

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  5. sources des assertions, en réaction à un commentaire sur Contrepoints

    D’ailleurs, des Belges ont tenté de présider des banques françaises. On les a vite dégagé.
    source : Nicolas Sarkozy a fait démissionner Axel Miller (ex-Dexia) , RTBF http://www.rtbf.be/video/v_nicolas-sarkozy-a-fait-demissionner-axel-miller-ex-dexia?id=17113
    Axel Miller a été remplacé par le Français Pierre Mariani à la tête de Dexia le 7 octobre 2008, à la demande expresse de Nicolas Sarkozy.
    http://portfolio.lesoir.be/v/economie/fortis/281022_RedacSel4_QE9F9789_jpg_0KQU81JX.JPG.html

    En réalité, les entreprises allemandes se financent d’abord par fonds propres et non pas par de la dette,
    ==> La tendance globale à la réduction régulière de l’endettement bancaire a été vérifiée en
    France quelle que soit la taille des entreprises. Les PME ont certes eu plus recours aux
    prêts et concours bancaires (10 % du total du bilan) que les très grandes entreprises (2 %
    à 3 %), qui peuvent lever des fonds sur les marchés de capitaux. Le ratio de dette
    bancaire de ces dernières est pratiquement identique et aussi faible que celui de leurs
    homologues allemandes.
    En effet, les entreprises allemandes de plus de 2 000 salariés dépendent peu ou
    pratiquement pas des banques. En moyenne pondérée, les crédits bancaires n’y ont pas
    dépassé 2,5 % du total du bilan, et même 1,5 % en médiane à la fin de la période. source Banque de France http://bparanque.pagesperso-orange.fr/download/bulletinbdf.pdf

    d’une part, et d’autre part, les banques d’investissement allemandes sont comme les autres banques : elles ont des traders, souvent prudents, parfois fous, des bénéfices ou des pertes
    ==> Commerzbank on Tuesday reported trading losses of €561m in the last three months of 2009 source Financial Times http://www.ft.com/cms/s/0/34b24a80-204d-11df-bf2d-00144feab49a.html

    , et des catastrophes quand elles sont publiques
    (voir le sujet des Landesbanken). »
    ==> Landesbank’s Ratings Cut by Moody’s on Lower Likelihood of Government Aid source Bloomberg http://mobile.bloomberg.com/news/2011-11-17/moody-s-cuts-landesbank-ratings-on-lower-likelihood-of-state-aid

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