jeudi 9 février 2012

Produire en France ?


Nos amis du Modem, avec un remarquable sens du timing (puisque la balance commerciale française était également révélée hier) ; ont organisé une conférence intitulée « produire en France ». Aurélien Véron et les libéraux démocrates étaient invités.

Disons le clairement, ce focus sur le made in France tient à la fois du bon sens et de la supercherie. Bon sens car la production précède la consommation. Il n’y à qu’à voir l’Ipad, un produit qui il y a deux ans n’existait pas et donc ne servait pas, pour voir à quel point c’est vrai.
Supercherie car ce fétichisme du made in France procède d’une vue partielle de ce qu’est l’économie. Il ne suffit pas d'avoir des usines pour faire une économie, ou alors il faudra qu'on explique autrement que par l’échec économique l’effondrement de l'URSS. L’industriel présent à la conférence du Modem, passionné par son secteur au demeurant, a sorti un chiffre censé clore le débat : 85% des exportations sont liées à l’industrie. On avait envie de répondre : et pour cause ! C’est une convention. Les services et les flux financiers qu’ils génèrent ne sont pas toujours comptabilisés comme une exportation. On aurait pu reprendre l’exemple pris par Alain Madelin hier matin sur BFM Business, dans l’émission de Nicolas Doze, sur la balance commerciale de la ville de Saint Tropez : fortement déficitaire ! Est-ce que ça empêche les tropéziens d’être riches ? Non, car ce qui compte c’est la balance de paiements.

Si Saint Tropez importe une bouteille de champagne à 20 euros et achète une Porsche à 80000 euros mais revend la bouteille de champagne à 100 euros et loue la Porsche à 1000 euros la journée, alors la balance commerciale est négative (il en faudra, des bouteilles de rosé, pour compenser !) mais la balance des paiements est largement positive, et les Tropéziens deviennent plus riches que les Montpelliérains, tout en faisant la fortune des Champenois et des ouvriers de Stuttgart.

De même, nos amis du Modem passent un peu trop vite sur l’argument selon lequel les gains de productivité, les capacités de R&D et la possibilité d’exporter sont limitées aux grandes entreprises (+ de 5000 personnes) et aux ETI (500 à 5000 personnes). Si le taxi parisien qui reçoit un touriste investit en formation (sourire, welcome in France), alors la France cessera d’être une terre où les touristes viennent très nombreux mais dépensent beaucoup moins par personne qu’en Italie ou même en Espagne (et oui !).

En réalité, et la, tout le monde était d’accord, pour qu’on produise en France, il ne faut pas de politique spécifique, il faut une politique fiscale et législative stable et peu interventionniste. Comme disait Aurélien Véron, Yahoo, Google ou Facebook n’ont pas été le fruit d’un plan décidé dans un ministère. Il faut juste créer un environnement favorable à l’éclosion d’entrepreneurs pour que ce type de sociétés puissent éventuellement être crées.
Qui plus est, produire en France ne veut pas forcément dire recruter une classe ouvrière française à l'ancienne. Or, nous sommes en déficit commercial mais aussi en déficit d'emplois industriels peu qualifiés. 

Enfin, il demeure un point dont personne ne parle. Pour produire en France, il faut pouvoir vendre à partir de France. Si Renault s’installe à Tanger, c’est tant du fait des exonérations fiscales que de la situation portuaire de la ville. Quand est ce que la CGT du Port de Marseille, Sud Rail Fret SNCF ou les syndicats de pilotes d’Air France comprendront que s’ils bloquent le pays, la production ira s’installer ailleurs ? 

2 commentaires:

  1. la réunion m'avait semblé plus "consensuelle" que ce billet...d'humeur?
    Amicalement, Marc

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  2. La réunion a bien été consensuelle. C'est juste que certains faits et sujets n'ont pas été abordés.

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