mardi 7 juillet 2015

On va enfin pouvoir ouvrir le débat de la monarchie en France

Dans la vie politique et médiatique française, il existe toute une série de totems auxquels il vaut mieux ne pas toucher : il ne faut pas critiquer les lois Pleven-Gayssot anti racisme, il est admis que un service public est forcément une entreprise publique détenue à 100% par l'Etat, énoncer le monopole de la Sécurité Sociale est un acte quasi terroriste (1), la liberté d'expression n'est valable que pour ceux qui sont Charlie (2) ...

Autre totem : la République.

Ah, la République ... ! Tous les partis s'en réclament, du Front National (3) au Front De Gauche (4), en passant par les Républicains (sacré coup de trolling de Sarkozy), l'UDI, le Modem, EELV ou le PS.

Il existe bien des partis politiques royalistes (Alliance Royale, Nouvelle Action Royaliste) qui ne sont pas pris au sérieux et qui ressurgissent tous les 5 ans pour tenter de grapiller des voix aux Européennes, mais globalement, le procès en anti républicanisme est la forme d'excommunication la plus sévère.

Prenez par exemple l'un des derniers éditos de Bruno Roger-Petit "Marion Maréchal-Le Pen, la sombre tentation catho-royaliste" (5) Tentation catho-royaliste ... ! Même si le discours de gauche du Pape François brouille un peu les pistes ultra balisées de la pensée dominante française, en Hollandie, "républicaine" et "progressiste" donc forcément christianophobe, une tentation catho-royaliste pose le décor, à l'extrême droite de l'extrême droite, non ? D'ailleurs, Roger-Petit l'écrit : la petite dernière du clan de Saint Cloud fait resurgir Maurras dans le paysage politique français. Objectivement, difficile d'adhérer, donc, quand bien même on pourrait réfléchir à la pertinence de certaines des analyses telles que "La France n’est pas que la République".

Dans ce contexte, on ne peut qu'être très surpris de l'interview qu'Emmanuel Macron a donné à Valeurs Actuelles et que ce sulfureux média a titré "Emmanuel Macron : royaliste !" (6). Soit le ministre de l'économie n'a plus aucune ambition politique, voire attend d'être démissionné, soit il pense vraiment qu'on peut faire appel à l'intelligence du lecteur, et ouvrir le débat, même si celui-ci semble être une sorte de provocation. En effet, quand on affirme " Il nous manque un roi" ou "Le peuple français » n’a pas « fondamentalement » voulu la mort de la figure du roi", il faut s'attendre à soulever une tempête parmi ceux qui invoquent la République du matin au soir.

Pourtant, nombre d'observateurs, y compris modérés comme le centriste Hervé Morin, seront d'accord pour dire que la présidentialisation de la France est un vrai problème, et que nous ferions mieux d'en finir avec l'élection présidentielle au suffrage universel direct, une des sources du déséquilibre institutionnel de notre pays. D'autres, comme Ghislaine Ottenheimer, noterons que la France est « la seule (vraie) Monarchie d’Europe » au sens du « pouvoir d’un seul », et que ce n'est plus possible (8).

On pourra également ajouter, en totale contradiction avec la doxa communément admise, que non, république et démocratie ne sont pas du tout synonymes, loin de la. C'est bien, par exemple, le défenseur des valeurs républicaines, Manuel Valls, qui a livré à la justice espagnole une ressortissante française accusée en Espagne d'un délit non condamnable en France (9). C'est au nom des valeurs républicaines que le gouvernement a fait passer la loi renseignement, contre l'avis d'une foule d'associations pro libertés civiles, d'Amnesty à la Ligue des Droits de l'Homme (10).

Attention, ne nous trompons pas. La France d'avant 1789 n'avait rien de démocratique. La Révolution Française, qui au passage a d'abord installé une monarchie constitutionnelle, a évidemment constitué un progrès en terme d'égalité devant la Loi et de respect des Droits de l'Homme. Mais en 1789, à part dans une certaine mesure l'Angleterre Hanovrienne ou la Confédération Helvétique, qui était une démocratie ? Inversement, en 2015, certains de nos partenaires au sein de l'Union Européenne sont des monarchies et des pays plus démocratiques que nous, que ce soit selon le PNUD (Norvège, Danemark, Royaume Uni),  The Economist (Norvège, Suède, Danemark, Pays Bas, Luxembourg, Royaume Uni, Espagne) ou Reporters Sans Frontières (Pays-Bas, Norvège , Luxembourg, Danemark, Liechtenstein, Suède, Belgique, Royaume-Uni, Espagne).
La question, c'est comment en est-on venu à confondre schéma d'organisation institutionnel, ou formes de gouvernement, et valeurs ? 
Ni la république, ni même le régime représentatif, si la séparation des pouvoirs n'est pas strictement respectée, ne sont garants de la démocratie.
La République, c'est une forme d'organisation parmi d'autres. Les républiques, aussi bien que les monarchies, peuvent être des démocraties ou des tyrannies. 

Alors, 222 ans après que Louis XVI ait été décapité, nul ne peut dire ce qu'il en serait de la France, si les Bourbons comme Louis XX (11) ou les Orléans comme le prince Jean de France (12) étaient à la tête de l'état. 
Sans doute que nous serions comme nos voisins britanniques ou ibériques, à savoir des démocraties parlementaires gouvernées par des majorités de gauche ou de droite et les débats économiques ou sociétaux qui vont avec, tout simplement. C'est bien le Luxembourg qui marie au sein d'un couple gay son premier ministre, c'est bien au Royaume Uni que la GPA existe, c'est bien aux Pays Bas que les expériences de légalisation de drogues douces ont été menées.

Mais un certain nombre d'éléments seraient surs : d'une part, nous ferions des économies : l'Elysée, rappelons le, coûte plus cher à la France que Buckingham Palace au Royaume Uni (13). D'autre part, nous n'aurions pas cette insupportable propension d'une grande partie de la presse politique à tout ramener à Hollande, Sarkozy ou le Pen, personnages entièrement tournés vers la présidentielle, rien d'autre, et que les français ne supportent plus (14).
Enfin et surtout, nous sortirions de l'hypocrisie pour enfin devenir une monarchie assumée, tout en cessant d'amalgamer les notions de gouvernement et de pays. 

Alors, faut-il souhaiter que l'on ferme l'ancien boudoir de Jeanne-Antoinette Poisson, marquise de Pompadour, qu'on ramène Louis de Bourbon et qu'on l'installe à Fontainebleau, Versailles, Saint Germain en Laye ou Vincennes, afin de faire en sorte que la France devienne une monarchie parlementaire ?





(3) Front National Vous avez dit «républicain» ? 2 mars 2015
(6) Valeurs Actuelles Emmanuel Macron : royaliste ! 7 juillet 2015
(7) Nouveau Centre Hervé MORIN : "En finir avec l'élection présidentielle au suffrage universel direct" 20 octobre 2013
(8) Contrepoints « Poison présidentiel » de Ghislaine Ottenheimer 15 mai 2015
(9) Le Monde Extradition d'Aurore Martin : Manuel Valls demande d'arrêter la polémique 7 novembre 2012
(10) Le Monde La galaxie des opposants au projet de loi sur le renseignement 1 avril 2015
(11) Telegramme de Brest Louis de Bourbon. L'héritier des rois est en visite en Bretagne 30 mai 2015
(12) Le Figaro La succession du comte de Paris aiguise l'appétit du prince Jean 22 septembre 2014
(13) Pure People Coût des monarchies 23 juillet 2012
(14) Le Figaro Jean-François Kahn : «Hollande, Sarkozy, Le Pen, un choix impossible» 3 juillet 2015

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