mercredi 9 octobre 2013

La culture n'est pas une valeur marchande ?


Jean-Marie Cavada : "La culture n'est pas une... par www-touteleurope-eu



Les libéraux partagent avec leur famille centriste l’intérêt pour le fédéralisme Européen et les libertés économiques et sociétales. Mais il existe aussi un certain nombre de points de discussion. 

Exemple ? Les expressions du type "La culture n'est pas une valeur marchande". 
Jean-Marie Cavada, député Européen élu dans la circonscription Ile de France, le pense, et du coup arrive aux conclusions suivantes : 
  • les pays doivent s'occuper de la production culturelle
  • l'Europe doit  s'occuper pour donner des moyens d'acheminement auprès des gens, par les réseaux numériques, de la production culturelle
  • Il faut défendre l'exception culturelle
  • Si on marchandise, n'est produit uniquement ce qui est vendable
  • Le vivre ensemble Européen s'appuie sur la culture et permet de triompher de la barbarie qui a faillu tuer le continent Européen par deux fois

Certes, cette interview est un montage. Du coup, on ne comprend pas tout à fait si Jean-Marie Cavada défini avant de les utiliser les termes de culture, biens culturels et production culturelle. 

En effet, il existe une confusion permanente, y compris dans cette video, entre culture et produits culturels. La culture, ce serait non pas un ensemble 1 / connaissances dans un domaine particulier 2/ ensemble des phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe ethnique ou une nation ou 3/ ensemble de signes caractéristiques du comportement de quelqu'un (voir le Larousse) mais, simplement, des films, de la musique, des livres ...

A cette aune, l'Europe serait menacée par une hégémonie culturelle américaine (thèse des milieux culturels publics français) ou arabo-musulmane (thèse des français). 
Permettons d'en douter. 

Déjà, il est contestable de dire que les Etats-Unis dominent le monde, numérique notamment, par leur production culturelle. Ce sont des firmes, type Google, Yahoo, Disney ou Facebook qui dominent. Et ces firmes sont aux Etats-Unis et dirigées par des américains. Mais si la France et l'Europe sont autant perméables, non pas à la culture américaine mais aux biens culturels américains, c'est peut-être que, finalement, les Américains sont les gens les plus proches de nous sur une terre qui, rappelons le, est dominée par la Chine et l'Inde, démographiquement et culturellement. 

Vous ne croyez pas que l'Inde soit un pays dominant ? Un seul mot : Bollywood. Ils écrasent de très loin Hollywood de leur production cinématographique. Le fait que l'Inde se résume, en France, à deux rues aux odeurs de safran, près de la Gare du Nord à Paris, ne doit pas nous faire oublier cela. 

Ensuite, et en assimilant culture et pays, ce n'est pas un pays qui domine, mais un Etat, la Californie. La Silicon Valley est Californienne, tout comme le Plateau de Saclay est français avant d'être Européen. Il fat comparer les choses comparables. Les Etats Unis sont un pays disparate aux cultures (pratiques culturelles) variées et il n'y a absolument rien à voir entre le Mississippi et le New Hampshire, tout comme, en Europe l'Espagne et le Danemark ne partagent pas grand chose en dehors du fait d'être des monarchies constitutionnelles membres de l'UE et de l'OTAN. 

De plus, si on accepte d'assimiler culture et biens culturels, alors on se demande bien pourquoi l'ère pré
capitaliste et pré-mondialisation nous a legué tant de biens culturels en Europe, des grottes de Lascaux à la bible de Gutenberg, en passant par le plafond de la Chapelle Sixtine. Peut-être qu'il convient de dénoncer l'idée selon laquelle les artistes étatisés et subventionnés d'aujourd'hui aspirent tous, en réalité, à vivre plus que royalement de leur art. 
En vérité, la production culturelle se fait parce qu'il existe des passionnés, des gens qui aiment ce qu'ils font. Artiste, c'est à dire auteur et producteur de biens culturels, ce n'est pas un métier, c'est une vocation. Le fait que des artistes deviennent riches a toujours existé, le mécénat l'a permis. Mais cette conséquence n'a jamais été une intentionnalité.

Quand à ce qu'on appelle culture, au sens classique du terme, c'est à dire culture élitiste et que certains regrettent qu'elle se perde, elle n'est que le fruit d'un filtre historique qui a transformé les pop stars d'une époque en icones intertemporelles. N'hésitons pas à le dire, Mozart ou Picasso ne sont pas plus culturels que le joueur d’accordéon dans le métro. La seule différence est que, par rapport aux centaines de musiciens du XVIIIeme siècle ou de peintres cubistes du XXeme siècle, leur souvenir a survécu. Le Chevalier de Saint Georges ou Braque en savent quelque chose.

Alors, du coup, la culture française, on en fait quoi ?

Si on est libéral, on ne fait rien, et on fait confiance aux artistes. Déjà, on évite de dire qu'il y a un lien entre culture et civilisation (au sens classique du terme). On peut etre philosophe ou musicien et pan germaniste (Heidegger, Wagner) ou tueur en série et amateur éclairé de musique, ou écrivain et pédophile.
Ensuite, on se dit que si l'Europe a bien besoin d'un président élu au suffrage universel direct, comme aux Etats-Unis, afin de parachever le fédéralisme, elle n'a surtout pas besoin de politique culturelle. Le shutdown en cours aux Etats-Unis n'affecte en rien la culture américaine, qu'elle fusse populaire (MTV nous informe toujours des dernières frasques de Miley Cirus ou sur le culte de Scarlett Johansson) ou élitiste (le musée Mona Bismarck, dans le XVIe, est toujours ouvert et financé par des entreprises et donateurs). En effet, la culture populaire américaine n'a pas eu besoin de ministère de la culture pour se diffuser (Il n'y en a pas, d'ailleurs).
Enfin, on se dit que les français et les étrangers habitant en France sont assez grands pour savoir, chacun, ce qu'ils veulent. Certains sont excédés par les publicités pour des pizza Hallal ? Qu'ils fassent comme les gays qui protestent contre ce qu'ils perçoivent comme étant de l'homophobie et qui boycottent la vodka russe ou les pattes Barilla, et ne fréquentent plus que des enseignes commerciales qui leur correspondent. Mais qu'ils se posent aussi des questions sur leur abandon d'un des socles traditionnels de la culture française pendant des siècles : l'église catholique.

La culture, au sens courant du terme, ce n'est pas une masse fixe que l'on définirait une fois pour toutes. Elle est ce que nous voulons qu'elle soit, mais sans plan concerté. C'est quand l'Etat se mêle de culture que les choses se gâtent. Il n'y a a qu'à voir ce ridicule marchandage qu'est la loi Amazon, qui consiste à privilégier les libraires aux lecteurs pour comprendre qu'il n'y a que l'Etat, en réalité, qui a intérêt à voir en la culture un produit marchand physique et localisé. Question de taxes et de contrôle, sans doute.

La question reste ouverte, donc : ne pourrait-on pas considérer que si la culture (au sens courant du terme) n'est pas une valeur marchande (or, la production de bien culturels l'est), elle ne doive pas pour autant devenir une prérogative étatique ? La confiance que les centristes et les libéraux démocrates ont en l'action individuelle humaine les rend suffisamment confiants en la capacité de la France et de l'Europe à diffuser ses propres normes culturelles. Après tout, dans le seul cas de la France, le français et la francophonie ne sont-ils pas, déjà, une communauté globale ?

2 commentaires:

  1. " Ensuite, et en assimilant culture et pays, ce n'est pas un pays qui domine, mais un Etat, la Californie. La Silicon Valley est Californienne, "

    Pas vraiment d'accord; c'est aussi parce que la Californie est un état américain que la Californie abrite le must de l'innovation technologique. La Silicon Valley est bien dans l'esprit ce cette Amérique qui incarne la libre entreprise et la reconnaissance bien américaine envers ceux qui réussissent. Je pense que la Silicon Valley aurait été tout aussi à la pointe en ayant son siège en Floride ou dans le Colorado.

    Se serait un peu comme de dire que ce n'est pas la politique américaine quand évoque la politique d' Obama sur la Syrie ou les écoutes de la NSA mais de la politique de la ville de Washington.

    " Si on marchandise, n'est produit uniquement ce qui est vendable "

    On peut comprendre qu'il ne faut pas marchander la culture quand on sait que c'est un milieu prisé par la gauche. Comment les gauchistes des milieux culturels vendraient-ils leurs merdes via des films, des documentaires, des expos qui crachent sur l'occident en accusant cette dernière d'être responsable de tout les malheurs de notre histoire, qui crachent sur nos valeurs libérales et qui dénoncent le capitalisme et souvent avec de la haine. Au nom de quoi un contribuable libéral devrait financer via ses impôts des propos insultants à son encontre au non de l'exception culturel?

    Merci pour ce billet plein de bon sens

    D.J

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    1. Je remarque que les entreprises de la Silicon Valley n'ont jamais eu l'idée d'aller s'installer à Détroit, ville du socialisme triomphant à l'américaine.

      Quant aux "artistes" qui nous racontent à longueur de journée que la culture n'est pas une marchandise, qu'ils soient donc bénévoles pour mettre leurs actes en conformité avec leurs discours et refusent d'être subventionnés.

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