L'état d'urgence, loi d'exception décrétée après les attentats du 13 novembre, a engendré "un certain nombre de dérives", a dénoncé hier matin le Défenseur des droits Jacques Toubon sur France 2.
Selon Jacques Toubon, "au fur et à mesure, on va s'apercevoir qu'il y a un certain nombre de cas dans lesquels les mesures de restriction de liberté qui ont été prises ont été excessives"(1)
Rappelons que l'état d'urgence est ne forme d'état d'exception qui restreint les libertés. Il « confère aux autorités civiles, dans l'aire géographique à laquelle il s'applique, des pouvoirs de police exceptionnels portant sur la réglementation de la circulation et du séjour des personnes, sur la fermeture des lieux ouverts au public et sur la réquisition des armes ». Il dessaisit la justice de certaines de ces prérogatives. Contrairement à l'état de siège, il n'implique pas les forces armées.
Autrement dit, en en plus simple, l'action de la police est simplifiée, par l'absence de nécessité de contrôle d'un juge.
Mieux : le Conseil Constitutionnel, oui, le Conseil Constitutionnel, l'autorité qui ne se situe au sommet d'aucune hiérarchie de tribunaux, ni judiciaires ni administratifs, et qui est chargé de l'étude de la conformité à la Constitution des lois et de certains règlements dont il est saisi, vient de valider une des applications parmi les plus controversées de l'état d'urgence, les assignations à résidence de militants politiques, écologistes en l’occurrence.
Rappelons que, parce qu'ils pouvaient représenter une menace pour la COP 21 en raison de leur opposition aux idées du gouvernement, des personnes sont donc forcées de rester chez elles et d'aller pointer au commissariat trois fois par jour.
Mais, direz-vous, qu'est ce que tout cela peut bien faire ? Après tout, les attentats du 13 novembre ont bien existé. Il y a bien un terrorisme djihadiste contre lequel il faut lutter. Et, si les juges du Conseil Constitutionnel estiment qu'une assignation à résidence ne constitue pas «une atteinte disproportionnée» à «la liberté d’aller et de venir», ne restons-nous pas dans le cadre d'un état de droit ?
Il y a quand même quelques problèmes liés à cette situation.
1. La gauche socialiste et écologiste française adopte le langage de Georges W. Bush.
Le premier des problèmes, le moins grave pourrait-on dire, est lié au décalage entre les raisons pour lesquelles Hollande a été élu président en 2012, et son positionnement politique actuel. Hollande n'a t-il pas gagné contre Sarkozy notamment parce que ce dernier, avec la Loppsi, Hadopi, l'admiration pour W. Bush ou les bavures policières, semblait être une menace pour la démocratie ? Comment, aujourd'hui, Hollande peut-il, rétrospectivement, nous expliquer que lui protège les valeurs françaises là où son prédécesseur les bafouaient ? Qui a adopté la Loi de Programmation Militaire liberticide ? La Loi Renseignement ? Qui a maintenu les extensions au secret défense crées sous Sarkozy ? Qui lance la France dans des expéditions militaires punitives ? Autrement dit, Hollande ne rend-il pas hommage à ceux dont il disait se défier (3) ?
2. La lutte anti terroriste nous fait faire n'importe quoi.
Depuis le 13 novembre, le plan Vigipirate, en vigueur depuis 1991, est encore renforcé, et des mesures de sécurité sont en vigueur partout sur le territoire, notamment dans les commerces ou dans les transports en commun.
Logiquement, chacun se dit qu'"il faut bien faire quelque chose". Mais faut-il faire des choses coûteuses et illogiques, comme l'installation de portiques de sécurité sur les quais d'accès au Thalys, dans le seul but de faire de l'affichage politique (4) ? La SNCF va dépenser 5 millions d'euros par an pour mal sécuriser les deux quais de départ du Thalys. "C'est une dépense politique inutile, imposée par Ségolène Royal, qui contrevient à l'esprit du Thalys, le train de la liberté de circuler dans la zone Schengen, et que personne, bien sûr, n’a le droit de contester", note le journaliste de BFM Business, Stéphane Soumier.
Faut-il étendre les portiques de sécurité à... par BFMTV
Juste une question pratique : est-ce que vous pensez que les gardes, armés, de Royal, Hollande et des autres, passeront, eux, au detecteur de métal sous les portiques de sécurité ?
3. L'état d'urgence de 3 mois, ce n'est que le début
Le 17 novembre, on nous a dit que l'état d'urgence durerait trois mois.
Aujourd'hui, non seulement la révision constitutionnelle pourrait permettre de pérenniser cet état de fait, mais en plus, la garde des sceaux, Christiane Taubira, veut autoriser les perquisitions de nuit hors de l'état d'urgence (5). Autrement dit, le retour à la "normale", c'est à dire à la situation antérieure, ne semble pas au programme.
Mais, qu'est ce que des portiques de sécurité ou des perquisitions de nuit peuvent faire, si on a "rien à se reprocher" ?
Admettons que les "bavures" liées aux perquisitions faites dans le cadre de l'état d'urgence n'en soient pas. Après tout, pour le moment, seuls des radicaux proches des islamistes semblent se plaindre (6).
Simplement, on sait c qu'il advient. D'abord les locaux de l'ONG controversée Baraka City, "pro palestinienne", ensuite des simples femmes voilées que les policiers, d'après leurs dires, auraient insulté et tripoté (7) (allo, les féministes de gauche, vous êtes où ?)
Ne serait-il pas temps de relire le
poème de Niemoller et de se dire que, si la France n'est pas le régime national socialiste de l'Allemagne des années 30, le meilleur moyen pour que nous ne le devenions pas réside précisémemment dans la fermeté sur les principes et valeurs ?
A droite non plus, on entend rien. Pourtant on sait, depuis la Manif pour Tous, que la police n'est pas forcément l'amie de peuple (8).
Ne nous laissons pas avoir par la diversion sur la déchéance de nationalité, même s'il est un peu hallucinant que Christiane Taubira aille en discuter en Algérie avant de venir s'expliquer dans les médias nationaux. Oublions même le fait qu'il s'agit d'une mesure que le Parti Socialiste présentait comme étant d'extrême droite, il y a quelques années seulement.
Le fait est que l'essentiel de l'état d'urgence est validé et que la France est donc devenue un régime d'exception, dans lequel la séparation des pouvoirs est devenue une référence théorique. Ne lit-on pas des nouvelles du type "le gouvernement va légiférer" ?
Oui, l’exécutif légifère au lieu d’exécuter. On se demande bien pourquoi on élit des législateurs.
Nous sommes dans la période de Noêl, et les français ont d'autres préoccupations que l'indignation contre des lois qui, de prime abord, apparaissent comme étant une réponse juste aux attentats du 13 novembre 2015. Mais, des journalistes et des juristes nous disent que les dérives sont la. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ...!