La gauche socialiste et ses fronts (de gauche ou national) ont une idée fixe : lutter contre la désindustralisation, empécher le pays de devenir un désert économique et réindustraliser la France. Quelle bonne idée !
Et quand c'est un think tank qui aligne des chiffres dans la très sérieuse "Revue Parlementaire", on peut légitement s'attendre à une démonstration serieuse de l'intéret de revenir à ce qui a été rejetté en 1968, à savoir le fordisme et le taylorisme, base de la croissance de la productivité industrielle des années 20 aux années 70.
Helas, Terra Nova, le think tank de référence de la gauche socialiste française, accumule les erreurs et approximations.
Commençons par la question d'introduction, faussement rhétorique, vraiment naïve. "La France est-elle sur le point de devenir un désert industriel ?". Terra Nova n'ignore pas que la densité de population actuelle ou la densité économique passée en France n'est pas comparable à ce que nous trouvons de l'autre coté du Rhin. le terme de devenir n'est donc pas approprié. La France a systématiquement suivi un autre modèle. Point. L'attachement fétichiste à la PAC n'est qu'une illustration de cet autre usage de l'espace que nous pratiquons.
Ensuite, la part de l’industrie manufacturière dans la valeur ajoutée marchande en déclin. Terra Nova ne nous fera pas croire que leurs brillants analystes confondent valeur relative et valeur absolue. La valeur ajoutée marchande ayant augmenté, l'industrie manufacturière n'a pas connu de déclin absolu.
Poursuivons sur la situation soit disante pan-Européenne de cet effrondrement de l'industrie : un coup d'oeil aux statistiques de notre voisin Suisse montre que ce constat est faux. En 2008, 26% du PIB de Romandie était lié à l'industrie. Sur un chiffre a priori simple, Terra Nova parvient encore à se tromper : le PIB/habitant est évidemment plus elevé en Allemagne qu'en France, en 2010.
Terra Nova enchaine alors sur la politique de compétitivité prix, préalable au succès de l'industrie allemande. C'est ignorer que les produits allemands sont toujours plus chers que leurs concurrents étrangers, français notamment. Terra Nova pourra consulter les catalogues des constructeurs automobiles pour constater qu'une Audi TT 1.8 de 160 chevaux se vend 32.560 euros en France contre 28.400 euros pour la Peugeot RCZ équivalente (1.6 THP de 156 chevaux). C'est bien parce que les produits allemands ont développé une compétitivité hors prix qu'ils se vendent.
Du coup, on comprend comment on arrive au contresens qui réside dans l'affirmation suivante :" L’objectif de toute politique économique, c’est la croissance". La croissance n'est pas un objectif d'une politique économique, c'est la conséquence d'une politique qui ne doit avoir pour seul but que de créer un cadre favorable à l'émergence des entrepreneurs et des opportunités d'entreprendre.
Passons sur le fait que le Canada (34 millions d'habitants et deuxième superficie au monde derrière la Russie) soit qualifié de "petit pays". Notons plutot la confusion : Terra Nova confond l'Allemagne et les entreprises allemandes. Deutz (Rhénan, leader sur le marché des moteurs diesel pour bateaux), Audi (bavarois), Heidelberger Drucksmaschinen (Hesse, leader sur le marché des machines à imprimer), Nivea (hambourgeois, leader sur le marché des cosmétiques), Porsche (souabe, leader sur le marché des voitures de sport), SAP (souabe, leader sur le marché des progiciels de gestion) ne sont ni des entreprises allemandes ni des sociétés bénéficiant d'une quelconque aide du gouvernement allemand, ce sont des entreprises de leur région, avec une expertise particulière.
Du coup, on comprend bien une des différences entre la France et l'Allemagne. Les élites françaises, bien formées, bien connectées, intelligentes et ayant accès aux capitaux, ne vont ni se risquer à aller créer une obscure PME (exception : Michel Noir, de manière involontaire) ni conseiller leurs enfants de quitter l'ENA pour créer le futur Dell ou le futur Microsoft, deux leaders mondiaux crées par des drop out, des types qui ont arreté la fac. Du coup, seul l'Etat peut, dans l'esprit des élites ultra-étatiques, diriger la politique industrielle. Problème : l'innovation, chose bien distincte du process de développement, émerge rarement des cabinets ministériels. On peut du coup, continuer à réver du retour des cheminées qui fument. Pas sur que la croissance y soit même gagnante.
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