Indemnités des députés : 45 millions d'euros qui échappent à la République
Une tribune de Charles de Courson
Dans la nuit de jeudi à vendredi dernier, seuls 24 députés sur les 145 présents, ont voté en faveur d’un amendement visant à rendre vérifiable par l’administration la part de l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) non utilisée à des fins professionnelles, déposé avec Jean-Louis Borloo et quelques membres du groupe de l’Union des Démocrates et Indépendants (UDI). Les autres groupes parlementaires ont appelé à voter contre cette proposition.
Ainsi le principe constitutionnel d’égalité, notamment devant l’impôt, énoncé à l’article 14 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, ne s’applique pas aujourd’hui aux parlementaires.
Les 45 millions d’euros dépensés chaque année au titre de l’IFRM, à des fins professionnelles ou non, ne sont donc pas contrôlés. En 2002, un amendement voté au Sénat, a interdit le contrôle de l’administration fiscale sur l’IRFM. Mon amendement visait à supprimer cette disposition.
À quoi sert cette fameuse IRFM ?
En effet, l’IRFM est destinée à couvrir l'ensemble des frais afférents à l'exercice du mandat parlementaire, qui ne sont pas directement pris en charge ou remboursés par l'Assemblée, et la partie de la rémunération des collaborateurs qui excède le crédit alloué spécifiquement à cet effet. Elle s'élève à 6.412 € bruts mensuel, et subit un prélèvement au titre de la CSG et de la CRDS, mais n’est pas assujettie à l’impôt sur le revenu. Elle est versée sur un compte professionnel que chaque député doit ouvrir en début de mandature et qui lui sert à payer tous les frais liés à son mandat (loyer de la permanence, déplacements, matériel et fournitures de bureau, entretien des locaux, abonnements internet et téléphoniques…).
Pour ce qui me concerne, je dépense plus que le montant net d’IRFM qui m’est attribué. Actuellement, les discours de toutes sensibilités politiques souhaitent l’avènement d’une République exemplaire. Même si la séparation des comptes personnel et professionnel est obligatoire, il faudrait aller beaucoup plus loin :
1. Exiger la présentation de notes de frais afin de justifier que chaque euro dépensé sur cette enveloppe, substantielle aux yeux des citoyens, l'est bien dans le cadre du mandat parlementaire.
2. Instaurer un contrôle de la Commission des comptes, du collège des Questeurs ou du Déontologue de l’Assemblée nationale sur ces notes de frais, afin de préserver l’indépendance des députés. L'existence, ou tout du moins la menace d'une sanction, permettrait aux députés d'être plus raisonnables dans l'utilisation de cette enveloppe.
3. Moduler cette enveloppe en fonction de la détention d’autres mandats, et notamment d’un mandat exécutif local. Les élus concernés disposent de nombreux moyens alloués par la ville dont ils sont maire, ou le Conseil général ou régional qu'il préside. Philippe Séguin, lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale, l’avait déjà proposé. La justification de leurs frais serait déjà un premier pas vers le rétablissement de l’égalité entre les parlementaires.
Jean-Louis Borloo, président du groupe UDI, qui a soutenu personnellement mon initiative, va écrire au président de l’Assemblée nationale pour lui faire part de ces propositions. Nous exigerons un engagement précis avec un calendrier clair. Nous ne pouvons plus attendre, au vu des récents scandales qui ont perturbé la dernière campagne législative.
Sachant que certains collègues utilisent une partie de cette indemnité pour des dépenses autres que des frais professionnels, il y aura un jour un grand scandale, comme en Grande-Bretagne ; la démocratie en souffrira et l’image du Parlement sera dégradée.
Je ne désespère pas que la transparence finisse par l’emporter. En cette période de difficulté financière pour chaque citoyen en particulier et pour les Etats en général, il est vital pour la démocratie de mettre fin à ce système opaque. Si rien ne change, le populisme se déchaînera à juste raison.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire